Une expo à ne pas manquer : Les Aliénés du Mobilier national
Amoureux de la décoration et des arts, j’ai trouvé la parfaite exposition pour illuminer votre automne. Pour la seconde année consécutive, le Mobilier national propose à des personnalités de l’art contemporain de revisiter des pièces de sa collection. Fantasmagorique et inspirant, le résultat est à voir jusqu’au 7 janvier 2024 à la Galerie des Gobelins.
Où vont les objets qui ne servent plus à rien ?
Autrefois, la réponse était claire et nette : à la poubelle. Aujourd’hui, avec la prise de conscience climatique, la réponse devient plus responsable mais aussi plus créative. Tant mieux !
Moi-même en tant que décoratrice d’intérieur, il m’arrive de proposer à mes clients de customiser de vieux meubles, façon DIY, plutôt que de les jeter. Un polissage et une nouvelle couleur suffisent parfois à redonner un coup de jeune à ce mobilier d’un autre âge. J’aime bien aussi imaginer une autre destination à un objet en le revisitant de manière ludique. Un exemple ? Une chaise ancienne devient une desserte dans une entrée et un coffre se transforme en table basse juste à l’aide d’un plateau.
L’économie circulaire ne concerne pas que les particuliers, les professionnels s’y mettent également avec des démarches de recyclage et de réemploi. Cette semaine, je vous emmène visiter une exposition surprenante qui élève le déchet (patrimonial) au rang d’œuvre d’art. Oui, c’est possible, vous allez voir !
Les Aliénés : une exposition immersive
Le Mobilier national, vénérable institution en charge des meubles du patrimoine depuis le XVIIe siècle, a décidé de ne plus se débarrasser de ses pièces abîmées ou ayant perdu tout intérêt historique. Elle préfère désormais les confier à des artistes afin qu’ils se les approprient et leur donnent une nouvelle vie d’œuvre d’art.
Après une première édition 2022 qui avait marqué les esprits, ces délicieux « Aliénés » sont de retour à la galerie des Gobelins pour le plus grand bonheur des amateurs d’art, de décoration ou tout simplement pour quiconque a l’esprit curieux. Pas moins de 39 créateurs se sont attelés à la tâche avec autant de passion que d’ingéniosité. Le résultat prend la forme d’une balade colorée et pleine de surprises où chacune des 59 œuvres présentées semble vous inviter à passer de l’autre côté du miroir.
Suivez le guide à la Galerie des Gobelins
Tout commence par une petite montée des marches. Si aucun photographe ne vous attend en haut des majestueux escaliers des Gobelins, vous serez tout de même accueillis avec élégance par deux œuvres faussement discrètes. Cette commode ourlée de fleurs et un bureau à « casquette » semblent déjà appartenir à un autre monde. Mais ils ne constituent qu’une entrée en matière pour cette exposition extravagante qui ne cesse d’interpeller notre imaginaire.
Au fil de vos déambulations, plus ou moins guidées, vous croiserez des chaises dans des positions érotiques, un buffet organique, une armoire cousue main, une suspension aérienne qui ne tient qu’à un fil ou encore une bibliothèque qui vous invite en ville.
Parcours de tapisseries
Pour moi, les expositions les plus réussies doivent travailler leur mise en scène. Bien souvent les musées restent très sages dans ce domaine se contentant de mettre en lumière et en ordre des œuvres en suivant un fil directeur thématique. C’est efficace, mais cela néglige totalement l’approche sensorielle.
Au Mobilier national, pour renforcer le sentiment d’immersion des visiteurs, le directeur artistique de l’exposition a eu la bonne idée de rajouter un décor de tapisseries fabriquées dans les manufactures nationales de Beauvais et des Gobelins. Leur simple présence crée un dialogue naturel avec les œuvres présentées, comme si elles en amplifiaient l’âme et le ressenti pour le visiteur.
Une suspension magique
Ce mobilier constitue une source d’inspiration incroyable pour tous les créatifs. En matière d’art décoratif, j’y ai croisé des perles rares. Mon coup de cœur va sans doute aux luminaires qui semblent s’animer d’une nouvelle vie. Avec Résilience lagunaire de Venise, l’artiste verrier Céline Bachelot a métamorphosé une lanterne classique du XIXe siècle qui a illuminé le Palais de l’Élysée. Céline Bachelot l’a habillée de plaques de verre cintrées tout en y ajoutant des petites touches colorées façon impressionnisme. Ce luminaire reproduit à de nombreux exemplaires devient une pièce unique inspirée des lanternes vénitiennes fabriquées à Murano.
Le bureau de la petite sirène
Avec Wreck desk, la plasticienne en maroquinerie Valentine Huygues Despointes nous invite à visiter les fonds marins. Sauf qu’ici poissons, coraux et autres plantes aquatiques ont trouvé refuge sur une copie fanée d’un bureau de style Empire. Autrefois il devait servir de mobilier administratif un peu terne. Aujourd’hui, il semble avoir passé des décennies au fond de l’océan et avoir été colonisé par une faune et une flore aux couleurs chatoyantes. Cet objet pourrait être le point de départ d’un conte du XXIe siècle.
Une commode au bois joli
La sculptrice Franceleine Debellefontaine a eu envie avec Murmure au bois de s’interroger sur le devenir des objets délaissés en mettant en avant leur matériau original : le bois. Ainsi le bois de cette commode désuète semble avoir retrouvé l’étincelle de vie. Des branches y ont poussé et des papillons y volètent tranquillement. On imagine sans mal cette œuvre dans la chambre de la Belle au bois dormant qui attend d’être réveillée depuis 100 ans. Petite confidence, l’intérieur des tiroirs cache un poème de Barnabé Laye qui donne son nom à l’œuvre.
Mais trêve de bavardage, je ne peux que vous conseiller de vivre cette expérience par vous-même. Vous avez jusqu’au 7 janvier pour vous rendre à la Galerie des Gobelins et découvrir cette saison 2 des Aliénés.